bribes d'elle

Le matin, chaque grande herbe porte une toile d'araignée comme une petite voile. Le soleil paraît et tout sombre.

Jules Renard

Elle aime les toiles de Maître. Celles de la nature. Des toiles huilées de rosée. Fragiles voiles tourmentées par le vent. Oeuvres-papillon. Fils accrochés aux mats des branches.

Les toiles accrochent son regard. Elles emprisonnent sa pupille curieuse. Une châtaigne tombe. Le filet se déchire. Il emporte sa rêverie, éclaboussée par la rosée...

Plein d'incertitude

Est l'automne.

Au moindre motif,

Involontairement

Le coeur - n'est-il pas vrai- se sent dans la tristesse.

Le moine Saigyô

Banc vide. Ton bois mort la réchauffe. Elle pose son livre. Toi aussi tu as des feuilles. Des feuilles d'automne. De passage. Comme elle. Tu lis sa vie entre tes planches. Elle frissonne. Comme les feuilles caressées par le vent. Elle tourne la page. L'allée du parc a perdu son soleil. Elle est partie...

Elle est retrouvée.

Quoi ? L'éternité !

C'est la mer mêlée

Au soleil.

Baudelaire

Elle aime la mer. Celle du Nord.

Elle a le coeur entre deux marées.

La mer lui parle : cri des mouettes rieuses. Le soleil joue un corps à corps avec l'eau.

Coeur jaune sur les flots bleu nuit. Les vagues se gorgent de rayons. Miel du soleil.

Elle plonge dans un rideau de lumière. Les vagues éclaboussent ses yeux vert d'eau. Sur le sable, des algues échouées. Racines de la mer. Corolle de coquillages. Couleurs. Pas perdus sur le sable.

La mer murmure son prénom...

Sous la lune brillante

Je rentre chez moi en compagnie

De mon ombre.

Yamaguchi Sodô

Ombre décousue... Petit Peter Pan d'aujourd'hui ne pleure pas. Une maille à l'endroit de mon coeur, une autre à l'envers du décor... J'entrelace les fils de la vie. Je tisse les fils des nuages avec ton soleil. Ombre revient... Ombre disparaît. Tout se voile. Tes yeux s'estompent. Tu n'es plus qu'un contour. On te voit. On te frôle. La transparence te va si bien. Tu es plus visible que jamais dans ton habit ombré. Beauté du soir. Évanescence. Amie éphémère qui marche dans mes pas...

"Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! "

Baudelaire

Un rideau de mousseline couvre la fenêtre de sa houle rougeoyante. Le vent s'invite dans sa chambre.

Ses doigts tapent sur le clavier. Une mèche de ses cheveux semble mettre les voiles. Souffles mêlés. Mariage d'air et d'esprit... Inspiration. Regard furtif par la fenêtre. Un ginkgo biloba se balance. Petits éventails sur les branches. Frisson jaunâtre.

Une feuille sort de l'imprimante. Gémissement de l'encre. Vie en noir et blanc. Impression d'automne. De déjà vu. Coup de vent. Mèche rebelle.

Elle referme la fenêtre. Le rideau est plissé de vent. Le ginkgo chuchote.